L’instrument COSIMA à bord de Rosetta présente ses premiers résultats sur l’analyse des poussières de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Le spectromètre de masse d’ions secondaires COSIMA, dans lequel sont impliqués deux des laboratoires d’ESEP, le LPC2E et le LISA, est l’une des trois expériences d’analyse de la poussière à bord de Rosetta, et le seul qui en donnera la composition chimique. Cet instrument a commencé à recueillir et analyser la composition des particules de poussières peu après l’arrivée de Rosetta auprès de la comète 67P/C-G en août 2014. Il a permis de mettre en évidence que la comète se débarrasse de la couche de poussières qu’elle a accumulée à sa surface au cours des quatre dernières années.
Les résultats de la première analyse de données ont été présentés dans la revue Nature. L’étude se base sur des données obtenues entre août et octobre 2014, la distance entre la comète et le Soleil se réduisant de 535 millions de kilomètres à 450 millions de kilomètres. Durant cette période, Rosetta était principalement en orbite autour de la comète à 30 kilomètres ou moins de la surface de 67P/C-G.

L’étude porte sur la façon dont de nombreux gros grains de poussières se disloquent lorsqu’ils ont été recueillis sur la cible collectrice de l’instrument COSIMA à faible vitesse (entre 1 et 10 m/s). Les résultats montrent que les grains dont le diamètre d’origine est supérieur ou égal à 0,05 mm se fragmentent ou se brisent lors de la collecte.
Cela s’explique par le fait que les différentes parties de ces grains ne soient pas bien liées entre elles. Ce phénomène ne se serait pas produit si les grains avaient contenu de la glace qui se serait alors sublimée après avoir touché la plaque collectrice, en laissant des vides dans ce qui reste.

Bien que ne contenant vraisemblablement pas de glace, les particules de poussières analysées se sont révélées être riches en sodium, à l’image des particules de poussières interplanétaires comme celles que l’on peut trouver dans les essaims météoritiques (Perséides, Léonides, …). Ces particules étudiées par COSIMA pourraient par ailleurs correspondre aux parents des particules de poussières interplanétaires.
Les mesures chimiques – le sodium ici – ont été réalisées notamment grâce au faisceau d’ions primaires (PIBS) de l’instrument réalisé par le LPC2E.

Il semblerait que les grains de poussières détectés aient été immobilisés sur la surface de la comète depuis son dernier passage au périhélie (point de son orbite le plus proche du Soleil). En effet depuis, à mesure que la distance au Soleil s’accroissait, l’activité cométaire s’était réduite et le flux de gaz n’était ainsi plus assez important pour expulser les grains de la surface vers l’espace.
Alors que la poussière était confinée à la surface de la comète, le gaz a continué de s’évaporer faiblement, venant de plus en plus profondément de sous la surface au cours des années tandis que la comète s’éloignait du Soleil. Cela a eu pour effet de « sécher » le noyau cométaire en surface et juste en dessous.
Ces grains recueillis sur la période d’août à octobre 2014 par COSIMA proviennent donc de la couche de poussières accumulée à la surface de la comète depuis son dernier passage à proximité du Soleil.

La comète 67P/C-G décrit une orbite autour du Soleil en 6,44 ans et se rapproche de son périhélie qu’elle atteindra en août 2015. Elle se situera alors à 186 millions de kilomètres du Soleil, entre les orbites de la Terre et Mars.
À mesure que la comète se réchauffe – puisqu’elle s’approche à nouveau du Soleil –, le flux de gaz s’intensifie et les grains « secs » en surface sont transportés dans la coma. L’énergie solaire incidente est suffisamment importante pour supprimer les vieilles poussières et révéler un matériau moins altéré à la surface.
Ce type de particules de poussières – témoignant ou relatif à la reprise d’activité cométaire – devrait maintenant avoir disparu et COSIMA devrait donc recueillir sur ses cibles collectrices des grains présentant des propriétés très différentes. Les analyses chimiques que réalisera COSIMA de cette nouvelle collecte devraient donc conduire dans les prochains mois à observer des grains plus riches en glace.

L’analyse des poussières à proximité du noyau est essentielle pour comprendre la relation entre les poussières observées et l’activité cométaire, et la mission Rosetta permet de suivre en temps réel cette évolution au cours des mois à venir.

Deux exemples de grains collectés par COSIMA entre le 25 et le 31 octobre (...)
Deux exemples de grains collectés par COSIMA entre le 25 et le 31 octobre 2014.

Crédits : ESA/Rosetta/MPS for COSIMA Team MPS/CSNSM/UNIBW/TUORLA/IWF/IAS/ESA/ BUW/MPE/LPC2E/LCM/FMI/UTU/LISA/UOFC/vH&S

Les deux grains présentés dans l’image ci-dessus ont été recueillis à une distance de 10 à 20 kilomètres du noyau cométaire.
L’image « a » montre une particule de poussière, nommée Eloi, qui s’est effritée lors de sa collecte.
L’image « b » montre une particule de poussière, nommée Arvid, qui s’est brisée.

Chacun des grains est présenté avec deux conditions d’éclairage différentes : l’image du haut montre le grain éclairé par la droite tandis que l’image du bas le présente éclairé par la gauche.
La luminosité est ajustée pour accentuer l’ombre afin de déterminer la taille du grain de poussière.
Eloi mesure 0,1 mm alors qu’Arvid mesure 0,06 mm.
Les deux petits grains à droite de l’image « b » n’appartiennent pas à l’amas qui s’est brisé.

Contact :
Christelle Briois, enseignant-chercheur au LPC2E/Université d’Orléans